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Avez-vous pensé au plan
B, C ou D ?

Par 19 avril 2021No Comments

Une légende urbaine datant de 1958 met en scène le Prix Nobel de Physique 1922, Niels Bohr avec un autre Prix Nobel de Physique de 1908, Ernest Rutherford qui aurait servi de médiateur avec le professeur de physique de Bohr. Mais les dates ne coïncident pas, cette histoire n’a pas pu exister.

 

Qu’importe, au-delà de cette fable ce qui est intéressant à retenir c’est sa chute et par là, sa morale : ne vous limitez pas à une seule solution, ne soyez pas où on vous attend, ayez plusieurs cordes à votre arc pour répondre à une même problématique.

 

Que dit cette anecdote ?

 

Au début du siècle dernier, aux alentours de 1905 alors que Niels Bohr, futur Prix Nobel de Physique 1922 pour ses travaux en Physique Quantique, était encore étudiant à l’université, son professeur de physique aurait soumis à ses étudiants le sujet suivant : « En vous donnant un baromètre et en vous plaçant au pied d’un immeuble, à l’aide du baromètre mesurez la hauteur de cet immeuble ».

 

Or, ce professeur à la lecture de la réponse à la copie de Niels Bohr décide de lui attribuer la note de…0. Niels Bohr refuse catégoriquement cette note et déclare à son professeur qu’il mérite au contraire un 20/20 car sa réponse est scientifiquement juste. Afin de régler ce conflit, le professeur soumet ce problème à Sir Ernest Rutherford – lui-même Prix Nobel de Physique 1908 pour ses travaux sur le noyau atomique – en lui demandant d’être un médiateur entre l’étudiant et son professeur. Rutherford accepte et convoque dès lors Niels Bohr pour investiguer plus avant.

 

À la question « qu’avez-vous répondu à ce sujet qui mériterait selon vous un 20/20 ? », Niels Bohr rétorque : « Je monte sur le toit de l’immeuble, j’attache le baromètre à une corde en ayant pris soin de le mesurer et en incluant sa longueur à cette même corde, je fais descendre la corde jusqu’à ce que le baromètre touche le sol, une fois le sol de l’immeuble atteint je marque la hauteur, il ne reste plus qu’à mesurer la corde et j’ai la hauteur de l’immeuble !»

 

En matière de physique, la réponse est absolument exacte mais logiquement les enseignants attendaient une réponse plus…scientifique à cet énoncé. Aussi Ernest Rutherford propose à Niels Bohr de s’isoler pendant 10 minutes et de lui apporter la réponse attendue par les professeurs afin de démontrer ses réelles compétences en physique. Niels Bohr accepte et s’exécute. On le voit d’ailleurs concentré en silence à chercher la meilleure réponse possible.

 

Avant l’issue de ces 10 minutes, Niels Bohr revient soumettre son résultat. Sa réponse devient alors : « je me place en haut de l’immeuble et je lâche le baromètre dans le vide, je chronomètre le temps de sa chute et j’applique la formule de la chute des corps pour déterminer la distance parcourue dans le temps de sa chute – à savoir pour information la formule que nous devons depuis plusieurs siècles à Galilée :  h = 1/2 .g.t² , sachant que pour les lettres indiquées  h = hauteur, g = gravitation (ou plus précisément l’accélération du champ de pesanteur terrestre) et t = temps en secondes et en considérant aussi que seul le poids du baromètre est considéré sans la moindre résistance à l’air – et ainsi mesurer la taille de l’immeuble. En matière de sciences physique c’est incontestablement une excellente réponse. Dès lors, il est naturel que Niels Bohr obtienne un 20/20.

 

Toutefois, ce n’est toujours pas la réponse que les professeurs attendaient. Alors Ernest Rutherford se montre plus curieux et interroge Niels Bohr pour savoir si ce dernier aurait eu une autre réponse à fournir. Et là Niels Bohr lui déclare en avoir même plusieurs !  Par exemple : « en ayant mesuré la hauteur du baromètre, je le place à côté de l’immeuble au soleil et je mesure tant la hauteur de l’ombre du baromètre que celle de l’immeuble et en appliquant le théorème de Thalès cette fois-ci (h =, avec b = hauteur baromètre, oi = hauteur de l’ombre de l’immeuble et ob = hauteur de l’ombre du baromètre), on obtient la hauteur de l’immeuble ».

 

Puis Niels Bohr apporte ensuite d’autres réponses toutes plus incongrues et drôles parfois les unes que les autres : « on reprend la première expérience toujours en attachant le baromètre au bout de la corde, on le fait descendre jusqu’à ce qu’il effleure le sol. Là, on fait balancer la corde exactement comme pour un pendule et en mesurant la période d’oscillation – le temps qu’il faut au baromètre pour faire un aller-retour – on utilise la formule du pendule pour déterminer la longueur de la corde (h = ) ! Ou alors, « je mesure la hauteur du baromètre puis je me mets au pied des marches de l’immeuble à partir du rez-de-chaussée. Là j’empile la hauteur du baromètre une sur l’autre et je reporte cela jusqu’au toit de l’immeuble et là je trouve la hauteur de l’immeuble, il suffit juste d’additionner cette hauteur jusqu’au sommet en prenant les escaliers ! Ou enfin histoire de prouver son humour : « Je vais frapper à la porte du concierge et je lui dis que s’il me donne la hauteur exacte de l’immeuble selon les plans de l’architecte moi je lui offre ce magnifique baromètre !! »

 

À l’issue de toutes ces réponses et après avoir parfois ri à celles-ci, Ernest Rutherford lui affirme alors : « Tout cela est très bien mais ce n’est malheureusement pas la réponse que nous attendions… ». Alors Niels Bohr de répondre : « Je sais très bien la réponse que vous attendez, vous voulez que je mesure à l’aide du baromètre la pression atmosphérique en bas de l’immeuble, je mesure la pression atmosphérique en haut de l’immeuble, je calcule la différence de pression et j’utilise une formule qui me permet en fonction de la différence de pression de mesurer la hauteur du bâtiment. Et je connais cette formule évidemment mais j’en ai juste marre qu’on m’explique comment je dois penser ! »

 

Que nous révèle cette histoire ? Comment la replacer dans le contexte qui nous intéresse ?

 

Pourtant fausse, cette anecdote est racontée dans les universités de sciences, dans les livres de sciences physiques ou dans des revues scientifiques. En général, elle est mise en avant pour expliquer l’approche qu’il nous faut avoir en mécanique quantique dont Niels Bohr était l’un des pères. Il y a fort à parier que Niels Bohr compte tenu de sa réelle personnalité n’était pas du genre à se laisser dicter sa conduite.

 

Tout comme lui, ne vous laissez pas dicter votre solution, soyez inventif ! En négociation comme en management il y a toujours plusieurs réponses possibles, plusieurs solutions à mettre en avant pour l’intérêt de votre interlocuteur et le vôtre.

 

Soyez où on ne vous attend pas, faites travailler votre imagination. L’intérêt de la négociation, de la vente ou encore du management est que le contexte est toujours changeant. Quelles que soient les nouvelles données qui viennent se greffer à la situation, plusieurs solutions s’offrent toujours à vous et vous pouvez les anticiper. C’est ce qui rend ces matières si intéressantes, aucune situation ne ressemble à l’autre. Même lorsque les choses se présentent mal, on peut toujours rebondir et renverser la situation à notre profit.

 

Ce qu’il y a à retenir de tout cela est qu’il nous faut toujours être armé, avoir une proposition, un plan A mais si possible un plan B, C ou même D afin de pouvoir rebondir et tirer profit de nouveaux éléments et de trouver, là où nous voyions du peu engageant, une solution qui nous apportera un gain inespéré. Ne dit-on « à toute chose malheur est bon ? ».

 

Alors soyez comme l’était Niels Bohr, là où on ne vous attendait pas forcément et ne vous laissez pas dicter votre façon de voir, votre rapport avec votre interlocuteur et surtout la solution que vous mettrez en avant. La vôtre est toujours la meilleure !